La jonglerie : un art à explorer en Haïti
La jonglerie fait partie des arts du cirque et s’impose de plus en plus à travers le monde. Aujourd’hui, elle est présente dans presque tous les grands concours de talent international. « Got talent global », « La France a un incroyable talent » ou encore » Idol de Fremant le Media », pour ne citer que ceux-là. C’est un Art qui est aussi pratiqué en Haïti, mais qui demeure encore dans l’ombre.
Lancer plusieurs balles, ou des œufs, des bâtons enflammés, voire des machettes, pour ensuite les rattraper sans se faire brûler ou blesser… Danser sur un « Hola bola » avec une personne juchée sur son cou, une ou deux bouteilles vissées sur le nez, sans trébucher… le tout dans une parfaite cohésion corporelle et artistique: c’est de la jonglerie. Un art qui émerveille partout. Un art qui exige discipline, rigueur et équilibre.
Pour une harmonie entre le corps et l’esprit
« La jonglerie a plusieurs bénéfices pour le jongleur mais aussi le spectateur », révèle Xavier Badio, surnommé Mòskòy, jongleur professionnel haïtien. « Elle divertit, déstresse, garantie une bonne santé physique et mentale à celui qui la pratique. Mais c’est surtout une véritable thérapie psychique pour le spectateur », explique celui qui a hérité cette discipline d’un groupe d’entraîneurs canadiens de Maison Arc-en-ciel, après le séisme de 2010.
L’art qui a pris naissance en Égypte dans les années 1800, peut être aujourd’hui utilisé pour lutter contre la consommation de l’alcool, de la cigarette, même de la drogue, croit dure comme fer Moskòy. « Le jongleur ne peut ni fumer ni consommer d’alcool, car il a besoin d’équilibre pour pratiquer son art, or ces produits peuvent déstabiliser le cerveau », précise l’admirateur de Anthony Gatto, acrobate américain. En plus, l’artiste jongleur doit être toujours en bonne santé physique. « Pas de surpoids », lâche-t-il d’un ton tranchant.
« La jonglerie est une discipline qui augmente l’estime de soi, qui suscite l’esprit créatif, qui forge la concentration du jongleur, bref, elle est sans conteste un exercice de développement personnel », explique Moskòy avec componction.
Le jongleur loue, dénonce, propose par le biais de ses prestations. « Souvent, les équilibristes lors de leurs numéros ont une musique en boucle, c’est avant tout un stimulant », révèle Moskòy. D’ailleurs, c’est l’artiste lui-même qui, en général, sélectionne le son’ et il ne le fait pas innocemment. Non seulement cela rythme le numéro qu’il offre, mais il peut aussi souhaiter envoyer un message à travers la musique choisie, explique l’ancien pensionnaire de Maison Arc-en-ciel.
Une discipline prometteuse
Aujourd’hui cette discipline est plus qu’un art, c’est un métier. Hormis le sentiment de bien-être qu’elle procure au jongleur et faire les délices des yeux friands de spectacle, l’art de Capito rapporte de l’argent. Les jongleurs reçoivent un frais pour chaque prestation. Et ils sont plutôt demandés. Dans les festivals, le carnaval, les mariages, les anniversaires entre autres, ces magiciens de l’art sont très sollicités et se font remarquer. « Je donne des performances assez souvent et partout. Il n’existe pas un prix standard, cela varie en fonction de l’évènement et du client, parfois le prix d’un numéro va jusqu’à 15 ou 20 mille gourdes », explique Xavier Badio.
La jonglerie est une discipline qui franchit toutes les frontières. Cet art n’a pas de race, de culture, de langue, de religion, il regroupe tout le monde. Somme toute, il est universel, souligne l’acrobate haïtien de 27 ans. Un jongleur peut donc devenir un véritable ambassadeur de son pays en faisant parler son talent sur la scène internationale, synthétise celui qui ambitionne le titre de champion de Got talent, qui est une émission de téléréalité de découverte de talents, créé par Simon Cowell en 2007, récompensant le meilleur talent sur en ensemble de show.
Économiquement rentable mais négligée en Haïti
Le Ministère de la communication et de la culture ayant pour mission de promouvoir l’art dans le pays, ne dispose pas vraiment un programme d’encadrement pour les jeunes jongleurs haïtiens, encore moins une compétition officielle. Le Ministère de la jeunesse et des sports est aussi aux abonnés absent dans ce domaine, selon les observations. Aujourd’hui il n’y a aucune école, aucun centre d’art qui enseigne la jonglerie qui, pourtant, pourrait de toute évidence peut aider à combattre la délinquance juvénile et plus loin le banditisme.
En effet, Si pour des jongleurs étrangers cet art devient une véritable profession leur permettant de gagner dignement leur vie et de devenir célèbres, les équilibristes haïtiens doivent encore espérer que cela se produise un jour. Cependant, sans aucun encadrement et la moindre structure, les jongleurs haïtiens peuvent à tout moment jeter l’éponge.
S’il est vrai que Moskòy entend porter un jour l’art qu’il tient à cœur au-delà des frontières nationales au nom d’Haïti, le commercialiser et fonder une école de jonglerie dans le pays, le chemin s’avère néanmoins long, très long.