Marie Djénie Dorléan : entre entrepreunariat et innovation
Marie Djénie Dorléan s’illustre depuis quelques temps dans un domaine pour le moins original et innovant : la vente de fruits et de légumes. Mais avec une particularité : elle assure la livraison des produits chez les clients. La native de Kenscoff est dotée d’un grand sens de créativité et de leadership. Marie Djénie Dorléan est un exemple de jeunes dévoués, travailleurs et disciplinés qui fait tellement défaut de nos jours. IMEDIA a rencontré cette jeune entrepreneure animée d’une volonté quasi-obsessionnelle de réussir.
Marie Djénie Dorléan n’est pas née avec une cuillère en argent dans sa bouche. Depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte, la vie ne lui a jamais fait cadeau. Elle a dû sortir la sève de sa jeunesse pour pouvoir tracer son propre chemin. Devenue parent très tôt, notamment avec la venue au monde de sa fille à l’âge de 16 ans alors qu’elle était en classe de Rhéto, cette jeune maman n’a pas laissé cet incident scléroser l’élan créatif qui germait en elle. Elle a puisé dans son fort intérieur la volonté d’insuffler des idées neuves, et a enrayé du coup tout obstacle à sa progression. Et c’est cette impétuosité dont elle a fait montre qui a accouché aujourd’hui « Bèl Panyen », cette entreprise qui se spécialise dans la vente et la livraison des fruits et des légumes.
Vaincre les stéréotypes par la créativité …
Elevée dans une famille chrétienne en plein milieu rural, plus précisément à Grand-Fond, l’une des cinq sections communales de Kenscoff ; tout excitée, la jeune kenscovite, à chaque grandes vacances, prenait plaisir à rendre visite à sa marraine qui vivait plus près de la capitale, à Delmas 75. Les discours qui contribuaient à alimenter les stéréotypes, les préjugés et les hostilités envers les gens des milieux ruraux étaient légion dans cet environnement. « Fanm Chou », la surnommait-on. Et c’était là un moyen que les gens utilisaient pour la rabaisser, confie Marie Djénie Dorléan. Mais, à cette époque, la jeune entrepreneure n’a pas eu de réflexe paniquard, et toutes ces invectives n’ont pas réussi à l’atteindre, telle une guerrière. Ainsi, luttait-elle de toutes ses forces pour arriver à couper court la mauvaise perception que les gens avaient d’elle en tant que femme issue du milieu rural. D’où la nécessité de poursuivre sa mission.

« Bèl Panyen » : une vision grandiose
Investir dans l’agriculture n’est pas pour Mme Dorléan une idée qui date d’hier ; ce fut tout un trimard. En effet, dans son quartier il n’y avait pas trop de diversités dans les activités auxquelles s’adonnaient les femmes ; soit tu es commerçante soit tu es cultivatrice, ou les deux à la fois. Sa mère était dans cette catégorie et c’est Marie Djenie qui très souvent avait la garde de ses marchandises ; elle la remplaçait aussi certaines fois au marché. Cette activité commerciale était devenue pour la jeune Kenscovite une habitude, une sorte de routine. Et de là est née l’intention de monter son propre business, car gagner son propre argent à cette époque pouvait la rendre autonome et la distinguerait des autres enfants, se souvient-elle. Toutefois, elle n’avait pas encore compris le sens du mot entrepreneur jusqu’au jour où un ami lui a offert un livre de Napoléon Hill titré : « Réfléchissez et devenez riche ».
Après avoir échoué au concours d’admission de la FAMV en 2013, – elle nourrissait également l’idée de devenir agronome –elle a décidé d’apprendre la Gestion des affaires. Elle finit par saisir l’importance de l’entreprenariat et a commencé dès lors à penser, à réfléchir et à vivre comme cette entrepreneure qu’elle est devenue aujourd’hui.
Lancée officiellement le 17 juillet 2020, « Bèl Panyen » se donne pour mission de valoriser la production agricole nationale et d’encourager les consommateurs à choisir les produits qu’on cultive ici en Haïti. Conscients de cette agriculture moribonde, non modernisée et peu transformée et non-compétitive, rémunérant très faiblement ses tenants, ces jeunes veulent retrousser leurs manches, sortir de leurs zones de confort et accoucher ce projet qui inspire fierté et espoir.

Un modèle de leadership
Comme a dit le général Montgomery : « le leadership est la capacité et la volonté de rallier les hommes et les femmes à un but commun et un caractère qui inspire de la confiance ». Marie Djénie Dorléan semble faire de cette définition son leitmotiv. Quoi que le début de ce projet était marqué par le doute et l’hésitation, la vision et la volonté étaient là. Et arriver à engendrer ce projet avec un groupe de professionnel, considérant le déclin inexorable de ce secteur, la perte de poids due à la fatigue, ce n’était pas un pari dans la poche. Toutefois, jonglée entre les embûches, cernée de barrages de toutes sortes, principalement financier, Marie Djenie s’est mise en quatre, sortie de son cocon et s’imposée en véritable meneuse incontournable dans le domaine de la vente et la livraison de produits maraichères locaux, frais et bio.

L’histoire de Marie Djénie Dorléan constitue une preuve probante que les femmes peuvent être leaders, entrepreneures et mères à la fois. Elle, qui a bravé toutes les discriminations et les défis afin de réaliser son rêve, peut désormais s’en enorgueillir d’être un modèle pour la jeune génération. Elle a connu des périodes sombres à la fois dans sa carrière et dans sa vie, elle s’est élevée au-dessus des marrées en gravissant les échelons pour se tailler une place de choix au milieu des PME. Et elle n’entend rien lâcher jusqu’à ce qu’elle atteigne tous ses objectifs indistinctement, laisse entendre la jeune dame toute souriante, une once de fierté et de satisfaction dans sa voix.
Daphney Blanc