Depuis 2018, Stéphanie Sérélus, 31 ans, vole au secours des personnes développant de graves complications liées à une maladie. Avec sa structure dénommée Regroupement des Jeunes Perspectifs d’Haïti (RJPH), la jeune dame, à travers des SOS lancés sur les réseaux sociaux, a permis à une dizaine de personnes de subir des interventions chirurgicales. Des opérations qui valaient la peine et qui ont contribué à sauver des vies. Coup de projecteur sur cette femme qui agit dans l’ombre et loin des caméras…

Mardi 2 mars 2021. Stéphanie Sérélus a appris une mauvaise nouvelle. Elle vient de perdre un être cher, une amie, une personne pour qui elle a consenti, par le passé, d’énormes sacrifices. Julia Jean qui souffrait d’un cancer du cerveau, figurait sur la liste des malades supportés par Stéphanie et son regroupement. « Dim se pa vre non mezanmi. Oh ! Julia mon amour cherim, konsa mwen pèdi kouraj mwen vre… » Après plus de 2 ans et en dépit des SOS et les multiples tentatives du Regroupement des Jeunes Perspectifs d’Haïti, le cancer dont souffrait cette mère de 2 enfants a eu gain de cause.

Avant sa mort, Mme Sérélus et son équipe, avec le support de certains citoyens de bonne volonté, avaient permis a Julia de se rendre à Cuba pour une intervention chirurgicale. En raison de la complication de la maladie, les médecins Cubains ont choisi de faire l’opération. « Yo te di li pap ka opere paske maladi a gentan atake sèvo l. Sil opere lap mouri nan operasyon an », avaient déclaré les professionnels de santé à La Havane. De retour en Haïti, Julia, originaire de Gros-morne, s’en était remise à la providence.

« 2 lane aprè, maladi a pa bal legen. Li ale avèl… », regrette Stéphanie Sérélus, les larmes aux yeux. Le décès de Julia Jean, a certes affecté la responsable du RJPH, mais saurait affaiblir la détermination qui poursuit ses actions en faveur des personnes vivant avec des maladies complexes en Haïti.

« Sauver des vies », un engagement citoyen

Depuis plusieurs années, Stéphanie Sérélus se lance dans une véritable bataille pour sauver la vie de ceux et celles souffrant de grave maladie et qui sont dépourvus de moyens économiques. Bien avant la création de son association en avril 2019, la journaliste de Radio Kingdom FM sur son compte Facebook et sur la page de RJPH, lance souvent des SOS. Sur des photos et/ou des vidéos publiées, on peut apercevoir des enfants, des jeunes et des adultes, avec des formes de tumeurs graves, des cas d’exophtalmie (sortie anormale des yeux de l’orbite), des cancers du sein, des déformations physiologiques, des anomalies physiques de toutes sortes qui nécessitent des interventions urgentes.

Au-delà de la plaisanterie, le compte Facebook de Stéphanie aide à atteindre un but et à servir une cause. La professionnelle en maquillage lance des appels au secours, parte à la recherche de financement, afin de sauver la vie et aider les malades qui souvent ne peuvent pas obtenir des spéciaux et adaptés en Haïti. Hormis les publications, la responsable du RJPH se rend chez les victimes, les accompagne dans les rendez-vous médicaux jusqu’au jour de l’opération. A l’aide d’un partenariat développé avec l’Hôpital Bernard Mevs, Mme Sérélus facilite la réalisation de ces interventions chirurgicales qui, en temps normal, coute aux familles les yeux de la tête.

Pour répondre aux exigences, Stéphanie n’utilise pas seulement la plate-forme Facebook. Dans des médias de Port-au-Prince, elle attire l’attention de la société sur cette catégorie de malades qui demandent de l’aide. Via des numéros de téléphone partagés sur les réseaux sociaux, la jeune femme collecte des fonds. Des citoyens de bonne volonté tant en Haïti qu’à l’étranger répondent toujours à l’appel qualifiant de bon samaritain le # 1 de RJPH.

A mesures que les publications et les interventions dans la presse se multiplient, sa liste des personnes souffrant de complication médicales augmente. « De 2018 à nos jours, une dizaine de personnes ont été assistée, mais trois (3) d’entre eux n’ont pas survécu », informe-t-elle.

Julia Jean, qui souffrait d’un cancer du cerveau en compagnie de deux proches dont Stéphanie Sérélus

Sa motivation

Haïti fait face à une absence d’infrastructure sanitaire. De plus, de nombreuses familles ne disposent pas de moyens économiques pour répondre à des problèmes médicaux. « C’est ce qui en quelques sorte, motive mes actions. Ces gens sont très vulnérables et souffrent amèrement. Je me trouve dans l’obligation de les assister », déclare Stéphanie précisant qu’elle n’a reçu aucun financement privé ou publique.

Par cette démarche, Stéphanie dit vouloir redonner le sourire et la joie de vivre à ces gens. De ce fait, elle se dit prête à consentir de grands sacrifices. Durant les trois (3) ans de combat et d’engagement pour la cause des malades, des cas resteront graver dans sa mémoire. Selon elle, ce qui fait son bonheur, c’est de voir les malades libérés de leurs souffrances et retrouver le sourire.

« Mwen raplem Marvens, yon ti gason ki te gen 3 mwa, ki te gen yon chè nan jel, ki te bouche je a nèt. Anviwon 3 lane aprè mwen te edel pou l te fè operasyon, ti gason sa kounya ka wè nan je a. Mwen kontan poze yon aksyon ki ka fè yon lòt souri », raconte-t-elle l’air satisfaite.

Illustration dune personne malade, récipiendaire de RJPH

Un engagement non sans difficultés

Durant ses actions, Stéphanie Sérélus bute souvent sur des contraintes. « Lancer un SOS représente pour moi un véritable défi. Parfois, je ne vois aucune issue. Mais je le fais quand même, avec espoir de sensibiliser les gens », confie la journaliste. Les difficultés débutent à partir de la plateforme Facebook qui met des restrictions pendant plusieurs semaines sur certaines images jugées « choquantes ». Malgré tout, les publications sont partagées par des dizaines d’internautes haïtiens qui embrassent la cause.

Hormis les réseaux sociaux, les difficultés sont également d’ordre logistique. « Je n’ai pas de voiture. Pour emmener les malades à l’Hôpital, particulièrement vers les villes de province, j’utilise souvent le transport en commun », témoigne Stéphanie Sérélus. Dans les centres hospitaliers (publics ou privés), elle souligne que la situation est encore plus difficile. « Parfois, je me sens impuissant face à la souffrance des malades. Le manque de soins dans les hôpitaux est l’un des obstacles majeurs ». Aussi, la jeune femme fait état de critiques et de mauvais commentaires venant même des familles bénéficiaires. Men sa pa dekouraje nou. Nap kontinye sakrifye nou poun sove lavi sila yo ki pa kapab yo… », insiste-t-elle.

Malgré les difficultés rencontrées, Mme Sérélus n’entend pas baisser les bras et compte poursuivre ses actions en faveur de cette catégorie, abandonnée parfois par leurs proches. A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la Présidente du RJPH lance un message aux jeunes filles d’Haïti : « Je vous invite à prendre au sérieux votre éducation qui est la clé du succès. Assurez-vous d’avoir une profession pouvant vous aider personnellement et votre communauté… »