Dotée d’une verve créatrice abondante, puisant dans le réel les matériaux bruts de son art, Anne Sophie Vixamar, de son nom d’artiste « Rebel’Art », fait usage de ses pinceaux comme boucliers pour dompter les fresques de la vie. Imedia l’a rencontrée.

Elle est dans une quête perpétuelle d’elle-même. Elle a un regard sur la foisonnante création contemporaine mondiale, elle s’informe, se forme et se questionne. Anne Sophie Vixamar, se positionne comme une artiste profondément ancrée dans son temps, s’inspirant du réel comme matériau brut pour créer, sondant tous les champs du possible pour se réinventer, se surpasser, tout en explorant une palette de thèmes dans ses fresques dont les sujets peints témoignent de sa passion sans borgnes pour les arts.

Elle est née le 5 février 2001 à Port-au-Prince où elle a fait ses études primaires à l’école du Sacré-Cœur (annexe de Lilavois) et ses études secondaires à l’institution Manitane de Luc.

Elle s’est tout de suite orientée vers l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS) pour entamer les études de ses rêves : les arts plastiques. Elle s’engage aussi dans la promotion des arts et de la culture dans quelques organisations dont Krèm-Lank qui, depuis 2015, organise annuellement le festival Slam Haïti.

Photo d’illustration de Anne Sophie Vixamar – CP : IMEDIA

Très soucieuse du renforcement de ses compétences, elle enchaîne les formations diverses et variées : en gestion d’entreprise culturelle dans le cadre de l’Accélérateur de festival mise en œuvre par la fondation Caseli et les associations Caracoli et Tamise, ensuite en  technique de peinture de bâtiment dans le cadre du projet « Yes she paints », initié par Urban Art Consulting et Finixion.

De son nom d’artiste « Rebel’Art », Anne Sophie Vixamar a toujours aimé le monde artistique. Pour elle, l’art n’est pas que des pratiques, mais un atout pour réinviter le monde à sa façon, elle croit tant bien que ce monde lui permettrait de survoler les carrefours les plus amers. Après ses études classiques, elle a donc trouvé nécessaire de s’y lancer. « L’art pour moi est un moyen de canaliser mes émotions », a-t-elle déclaré.

« Rebel’Art » veut faire de la création son abri contre les vents contraires. Son travail s’abreuve de couleurs et elle fait usage de ses pinceaux comme boucliers pour dompter les fresques de la vie. 

La peinture est pour elle un exutoire, une façon de se libérer de l’emprisonnement qui est, paradoxalement, une thématique qui lui tient à cœur.

Pour elle, créer est à la fois un acte de rupture des liens et également une bataille de titans pour faire ressortir le plus beau du plus sombre.

On l’a repérée au festival féministe Nègès Mawon, participant activement à une série d’ateliers dans le cadre de l’édition 2022 portant sur le thème : Mon corps au sens propre et défiguré ». Ses premières préoccupations sont d’ordre esthétique et humain. Elle pense que l’équité ne doit aucunement être un combat, c’est un droit entier et ontologique.

« Les droits humains et les libertés individuelles, en particulier, se doivent d’être une conquête perpétuelle, indique-t-elle.  La violence d’où qu’elle vienne doit être dénoncée en dehors des violences psychologiques et physiques. Dans mes créations, les notions telles l’emprisonnement et le droit de s’assumer m’interpellent, citons la tolérance entre autres ».

Par-ailleurs, elle estime aujourd’hui, de son lieu de créatrice, qu’il y’a urgence en terme de besoins, sa vision des choses va au-delà des questions de genre.

Rebel’Art est un témoin du temps et de son époque, comme toute autre créatrice. Elle ne croit appartenir  à aucun courant, reconnaissant tout de même l’apport de nombreux artistes haïtiens à son travail. Dans le panthéon de l’art haïtien, nombreux sont ceux qui ont suscité en elle un vif éveil : Luce Turnier, Marie-Rose Desruisseau, Jean Claude Garoute dit Tiga.

Luce Turnier pour son courage. Malgré son long parcours difficile, elle a su garder une fidélité exemplaire à la peinture, un style qui lui soit sobrement propre. Dans ses œuvres, elle prône la liberté. Elle nous appelle à forger le regard d’un geste révolutionnaire.

Marie-Rose, pour son appartenance à l’histoire et à la culture de son pays. Jusqu’à date, la seule à avoir entrepris la tâche de relater l’histoire d’Haïti à travers la peinture et la première femme peintre à avoir également, et en dehors du courant primitif, intégré le vodou dans son œuvre. 

Jean Claude Garoute connu surtout pour avoir initié avec Maud Robart le mouvement pictural saint-soleil en 1973. Ce dernier ayant pour objectif de donner un nouveau souffle à la peinture haïtienne en la brassant avec la culture vaudou. On peut constater chez Tiga l’aboutissement d’une quête de l’authentique à travers tous ses moyens d’expression : écriture, peinture, musique, ferronnerie, exercice de langage. Il priorise l’humanisme dont il tire ses valeurs abstraites, le déterminisme qui le fait remonter aux conceptions naturalistes de l’antiquité.

Rosny Ladouceur