Rutshelle Guillaume, sur la pente de l’excellence
Le sensuel et groovy « All on me », comme le tube « M pa la anko », explosent le compteur YouTube avec au total plus de sept millions de vues. Du 1er au 19 septembre, l’album « Quoi Qu’il Advienne », sorti en juin dernier, était le plus écouté sur l’application D’Music. La diva pop électro progresse et continue de peaufiner sa musique, trait d’union entre l’Afrique et Haïti. Portrait d’une iconique chanteuse de la génération mainstream.
Je me souviens bien de ces soirées planantes où le jazz bâtait son aile à Presse Café, en plein cœur de Petion-Ville. Ca s’appelait Mercredi de l’art. Ca s’appelait Jazzlala. On est en 2012 et à cet instant précis, il y a une palette de jeunes musiciens pressentis à une belle carrière qui exprimaient leur soif d’apprendre aux côtés de feu Hans Peters. Rutshelle Guillaume passait, de temps en temps, chauffer son timbre sur les accords brésiliens ou ceux de standards de jazz qu’Hans Peters grattait au sein de son quartet, mué parfois en quintette selon les moyens techniques du soir. Elle (et Joël Pierrevil, band leader du groupe Akoustik, entre autres), prenaient du large, attaquaient les notes avec délicatesse, flottaient leurs voix éclatantes sur des morceaux de blues, faisant par moments clin d’œil aux musiques traditionnelles de chez nous que le guitariste émérite aimait reprendre en mode jazz.
Rutshelle Guillaume feat. Wendyyy – All on Me (Official Video)https://t.co/94vxWCfJvb pic.twitter.com/9juZfVZHjy
— Rutshelle Guillaume (@rutshelle) July 28, 2021
Et puis, il y a « Vwalye » (2013), appui de l’Union Européenne offert au secteur musical à travers le programme Arcades dont elle fut l’une des bénéficiaires. Un an plus tard, elle intègre la chorale « Haïti cœur de femmes », montée par Yole Dérose pour ensuite chercher son souffle, construire son propre style et devenir cette chanteuse marketée pour grande consommation, avec un pied dans l’entreprenariat.
« Je me suis présentée avec mes émotions, vous m’avez accueillie. J’ai continué ma route, aussi Rebelle que je suis, vous m’avez suivie. J’ai tant surmonté, tant trébuché. Plus près de ma destination, je vous invite à rester près de moi Quoi Qu’il Advienne ».
Qui présageait que cette chanteuse à la voix soul frôlant la sensualité, allait traverser toutes ces années épineuses, surmonter tout ce lot d’obstacles dressés sur son chemin musical ? Embrouilles professionnelles, coups-bas inavoués, raideur mentale de producteurs cupides qui verrouillent l’industrie de bout en bout, railleries de confrères récalcitrants qui crachaient sur son talent. Elle a taillé, dans cette tempête de scandales amoureux qui moussaient un temps sa carrière, un nom au nez de tous ceux qui rêvaient de voir son talent étouffé. Rutshelle Guillaume, armée d’un moral d’acier, a tenu bon, a transformé tous ses pas trébuchants, ses sanglots, toutes ses culbutes intimes, ses peurs, ses désillusions en une perle de mélodies électro-pop qui saupoudrent son troisième et dernier disque en date « Quoi Qu’il Advienne » où quinze morceaux délectables sont gravés avec pour effet d’irriguer toutes les plateformes de streaming. Après « Emotions » (2014) et « Rebelle » (2017), Rutshelle Guillaume pose avec ce nouveau disque les jalons d’un succès immédiat. « Ou se yon melodi », « Rete la » (remixé) étaient déjà des hits bien avant la présentation officielle du disque, le 22 juin dernier. « Guantanamo », « Nou fini », « M pap mouri », « Poze », « Lost without you », « Sa k rive nou», « All on me » et le morceau éponyme sont des morceaux qui pèsent de tout leur poids et qui confirment sa maturité musicale.
Le disque a trôné en tête d’Amazone, a atteint des milliers de followers sur Spotify. « M pa la anko » a explosé YouTube des mois après avec plus de 5 millions de vues. Tout le résultat d’un vrai travail d’équipe est là : clips avec prises d’image ultra soignée, scénarios bien ficelés, promotion et marketing musclés dont elle a le secret.
Celle nourrie au gospel à l’église de Dieu de Boulard, à Christ-Roi, conquiert aujourd’hui le grand marché international avec du compas et du zouk dans les poches, tout en s’ouvrant au brassage, à la diversité rythmique. Pour cela, elle a convoqué Oswald, Singuilla, Salatiel, Wendy, producteurs américains, français et haïtiano-américains dans ce cocktail de rythmes afro-caribéens, appelés à jeter des ponts entre l’Afrique et son Haïti natal.
La diva électro pop progresse dans sa carrière et continue de grimper la pente de l’excellence.
Rosny Ladouceur