Avec environ dix-sept (17) millions de victimes et plus de 6 millions de décès, l’accident cérébral vasculaire représente la 2e cause de mortalité et d’incapacité dans le monde d’après une enquête publiée en 2011 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). L’AVC communément appelé « Stroke », Haïti présente le taux le plus élevé de toute la région des Caraïbes et des Amériques, selon les résultats d’une enquête menée par les centres GESKHIOS entre 2016 et 2017.

Survenant de manière brutale, d’où son nom « d’accident », un AVC est la conséquence de l’interruption ou l’obstruction de la circulation sanguine dans le cerveau, les cellules cérébrales avoisinantes subissent alors des lésions irréversibles. Les cellules mortes ne seront jamais remplacées. Durant un AVC, environ 2 millions de cellules cérébrales (neurones) meurent chaque minute.

Il peut apparaître à n’importe quel âge et constitue une urgence médicale qui, certaines fois, ne laisse pas assez de temps de réaction aux victimes. En cas d’accident vasculaire cérébral, le risque de décès est élevé. S’il n’entraîne pas la mort, l’AVC peut causer des pertes de la vision ou de la parole, une paralysie et une confusion.

Facteurs prédisposant à un AVC

L’un des rares spécialistes en neurologie du pays, le docteur Quénold DESIRE dans une entrevue octroyée à IMEDIA, précise qu’il peut y avoir deux types d’AVC. Le premier qu’on présente comme l’AVC ischémique est dû à l’obstruction d’une artère ou d’une veine, et peut être, entres autres, le résultat du vieillissement, de l’hypertension artérielle, du diabète, d’un mauvais régime alimentaire, du tabagisme, d’un taux élevé de cholestérol, d’une mauvaise coagulation sanguine, d’une fibrillation atriale, de la consommation excessive d’alcool, de la sédentarité et du stress.

Pour le second qui est l’AVC hémorragique, l’hypertension artérielle reste un dénominateur commun pour les deux types, mais on peut citer également une thrombopénie cérébrale et une malformation au niveau des artères. Les antis coagulants sont autant de facteurs qui peuvent provoquer un AVC hémorragique.

AVC et Conduites à tenir

Si le temps n’a jamais paru précieux pour bon nombre de nos compatriotes en cas d’AVC, le docteur Désiré présente « le temps » comme le facteur clé pour une meilleure prise en charge pouvant aboutir à une bonne évolution de la victime.

Le neurologue insiste sur le fait que l’on doit agir en toute rapidité, rappelant que lors d’un AVC la victime perd pas moins de 2 millions de neurones à chaque minute. C’est-à-dire quelqu’un qui subit un AVC à 12 heures perdrait 8 millions de neurones à 12h 04 minutes. Du coup, perdre trop de temps pourrait lui être fatal. Au mieux, il est conseillé de conduire la victime dans un hôpital dans les meilleurs délais, soit dans les 3 heures qui suivent la crise, afin de limiter les dégâts.

Hormis le facteur de temps, le docteur Quénold Désiré souligne que l’on doit conduire la victime auprès du spécialiste en neurologie (étude du système nerveux et de ses maladies) le plus proche, rejetant la formule populaire attestant que l’on doit éviter de toucher la personne aux risques de déclencher une paralysie.

Enfin, le spécialiste en imagerie cérébrale précise qu’il faut s’abstenir de donner quoique ce soit à la victime car en cas d’AVC la personne pourrait avoir une difficulté de déglutition, les aliments consommés pourraient dans ce cas suivre une trajectoire autre que celle de l’estomac et atterrir directement dans les voies respiratoires et provoquer une pneumopathie d’inhalation.

AVC en Haïti

Ceux qui sont intéressés par la question avancent pas mal de thèses pour expliquer pourquoi Haïti est numéro 1 du classement des AVC, dont le manque de compétence des prestataires de soins dans le domaine de la neurologie en Haïti. Outre ce problème de compétences, Estelle Pierre, infirmière de 20 ans de carrière, spécialisée dans la prise en charge des victimes d’AVC, énumère les nombreuses failles du système de santé en Haïti relatifs aux soins prodigués aux patients. L’infirmière révèle que l’hôpital ou elle travaille n’est pas en mesure de réaliser un IRM, ou un scanner cérébral, sachant que ce dernier, d’une importance capitale, pourrait aider le médecin traitant à poser un diagnostic et ainsi faciliter un meilleur traitement.

Martha, 43 ans, qui a subi un AVC il y a de cela 5 ans, déplore les conditions dans lesquelles elle a été soignée durant sa crise et insiste sur le fait que cela n’a pas été facile à supporter, mais que ses nombreuses séances de rééducation physique lui ont été d’un grand soutien pour continuer d’avancer.

Toutes ces défaillances sanitaires pourraient expliquer pourquoi l’état de santé d’un grand nombre de patients ne s’est pas amélioré malgré le temps, comme quoi il aurait fallu adopter : prévenir vaut mieux que traiter.

Parlant de traitement, le docteur Quénold Désiré, followship en neurologie, parle néanmoins des avancées effectuées dans la prise en charge des AVC en Haïti qui peut aider la victime à reprendre sa vie normale grâce à un traitement rapide, à la rééducation physique (en cas de paralysie affectant la moitié droite ou gauche du corps) ou orthophonique ( en cas de paralysie faciale, trouble du langage…)

Prévenir un AVC en Haïti

Tenant compte des nombreux facteurs de risques liés à un accident vasculaire cérébral, la prévention d’un AVC est étiologique selon le docteur Quénold Désiré. C’est-à-dire qu’il faut combattre directement les causes pouvant conduire à un AVC. Adopter un bon régime alimentaire, faire du sport, éviter la consommation du tabac, s’adonner à une activité qui peut occuper l’esprit, et encore investir son temps dans tout ce qui peut aider, à savoir une vie épanouie.

Bien que selon le docteur Désiré, la prévention n’est pas toujours évidente s’agissant d’un AVC qui résulte d’une maladie innée comme la co-agulopathie (maladie au niveau du système de coagulation) ou d’un facteur de risque non modifiable comme la vieillesse.

Sachant que presque tous les haïtiens font face à un niveau de stress assez élevé vu la conjoncture socio politique chaotique et les nombreux actes d’insécurité qui prévalent dans le pays, autant se demander comment faire pour éviter le stress qui, rappelons-le, est un des facteurs qui prédisposent à un AVC. Il accélère le rythme cardiaque et donc la tension artérielle. Par ailleurs, il favorise le tabagisme, la consommation d’alcool et la prise de poids qui sont tout autant liés à un accident vasculaire cérébral.

La prévention s’annonce encore plus difficile en Haïti si l’on tient compte du taux de chômage, et si l’on considère aussi le mauvais régime alimentaire adopté par plus d’un. On peut dire que détrôner Haïti dans le classement des pays avec le plus grand taux d’AVC n’est pas pour demain.

Widsa Mérisier Payen