Où est Vladjimir Legagneur ? A-t-il disparu, est-il absent, a-t-il été assassiné ? D’innombrables questions tournent autour de ce dossier pour lequel la justice haïtienne n’est pas capable de déclarer «absence ou disparition». Pourtant, le Code civil haïtien a des provisions légales spécifiques sur ces genres de cas.

Le 14 mars 2019 marquait l’année de la disparition du photojournaliste Vladjimir Legagneur après son départ pour un reportage dans le quartier de Martissant. À date, aucun signe de vie. Inquiétées, son épouse et l’association de journalistes « K2D» ont formellement déposé une plainte devant les autorités judiciaires afin que toute la lumière soit faite sur ce mystère.

Une affaire portée devant la justice
L’épouse du photojournaliste, Madame Fleurette Guerrier Legagneur, a en effet déposé, le 16 mars dernier, une plainte contre X au Parquet de Port-au-Prince. Quatre personnes ont été emprisonnées dans le cadre de cette affaire, plusieurs autres interpellées à titre de témoins. Après avoir entendu 3 témoins, le mandat du juge Jean Wilner Morin est arrivé à terme, et n’a pas été renouvelé. Pourtant, le Juge devait écouter au cabinet d’instruction le député de la troisième circonscription de Port-au-Prince, Printemps Bélizaire, à titre de témoin. Une négligence suspicieuse qui dérange des sources judiciaires qui révèlent que Me Morin était à une phase avancée dans son instruction.

Une enquête qui se poursuit…
Depuis le non-renouvellement du mandat du juge, «le dossier Legagneur » est pratiquement bloqué, selon des proches de la victime. Cependant, le directeur général de la PNH, Michel-Ange Gédéon avait promis le mercredi 28 mars 2018 que des analyses d’ADN seraient effectuées sur  des « ossements et un chapeau récupérés par la police sur un terrain vague, à Sillon, localité de Palema, à Grand-Ravine ».

Disparu ou absent, quelle différence ?
L’absence et la disparition sont deux mécanismes bien distincts qu’il convient de ne pas confondre. Une personne est considérée comme disparue quand, à la suite d’un évènement, son décès est quasi certain ou du moins, il est fort probable que celle-ci soit morte. Dans ce cas, on dira de cette personne qu’elle est « disparue ». L’article 1er du décret du 14 novembre 1977 sur la déclaration de décès des disparus dispose : « Le décès de tout haïtien, disparu en Haïti ou hors d’Haïti, lorsque son corps n’a pas été retrouvé et que des circonstances particulières susceptibles d’être élucidées établissent que sa vie avait été mise en danger, peut être judiciairement déclaré à la demande des ayants droit ou du ministère public ». L’absence pour sa part est plutôt considérée comme « l’état d’une personne dont on ignore si elle est morte ou vivante ». Du point de vue juridique, l’absence d’une personne n’est pas seulement caractérisée par sa non-présence à son domicile, mais aussi par sa disparition sans donner de nouvelles. Elle est donc la personne dont l’existence n’est plus établie par aucun fait et dont la mort ne peut être prouvée. La personne absente est dite « non présente » et n’est pas considérée comme déjà décédée. En ce sens, l’article 102 du Code civil stipule : « Lorsqu’une personne aura cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence, et que depuis une année on n’en aura point eu de nouvelle, les parties intéressées pourront se pourvoir devant le tribunal du ressort afin que l’absence soit déclarée ». Après une année d’absence, les ayants droit de l’absent peuvent produire une demande au tribunal du domicile de ce denier en vue d’obtenir une déclaration d’absence. Le tribunal, avant de faire droit à la demande de déclaration d’absence, est tenu : a)d’ordonner une enquête au domicile et à la résidence du présumé absent ; b) statuer sur les motifs de l’absence ; c) statuer sur les causes empêchant d’avoir les nouvelles de la personne présumée absente. Si la procédure juridique prévoit que « Le jugement ordonnant la déclaration d’absence doit être intervenu six mois après le jugement ordonnant l’enquête et que le ministère public prendra les dispositions pour que le jugement ordonnant l’enquête ainsi que le jugement de déclaration d’absence soit publié dans le journal officiel Le Moniteur ». Dans le cas du photojournaliste Legagneur, la justice est toujours muette un an après et aucune décision juridique n’a encore été rendue.

Marc Evens Lebrun /Source : Challenges Magazine