Plus de cinquante membres de la communauté des  LGBTIQ+  ont fui leur maison et moins de trois homosexuels ont été tués entre mars et juin 2022 par des actes de banditismes , selon l’association des jeunes contre la discrimination et la stigmatisation (AJCDS). Leur seul crime: avoir une orientation sexuelle différente de la majorité. Entre  crépitements des armes et tueries barbares des gangs, la communauté LGBTQI+ paie le lourd tribut de l’insécurité dans le pays notamment à la plaine du cul-de-sac.

Mariolito* a été touché d’une balle à la jambe gauche. Un projectile de calibre AK-47 lui a transpercé le talus après avoir troué le mur de sa maison qui se situe à l’impasse François marikaj , une localité de la croix des Missions, banlieue Nord de la capitale haïtienne.  Une zone, totalement contrôlée par le groupe armé ‘’chyen mechan’’.

Ce jour-là, un dimanche 24 Avril, Mariolito* a failli serrer les bras de la mort. Des bandits du groupe chyen mechan  avaient  pris la zone en otage et avaient pour cible toute personne ayant une orientation sexuelle différente des leurs.

« Il était environ 7h du matin quand nous avions entendu de fortes détonations dans le quartier  de François marikaj. Mon frère Getro et moi, qui buvions un bol de soupe, ignorions que nous étions dans la ligne de mire des gangs. En l’espace d’un cillement, nous avons remarqué que des balles de grands calibres transpercant notre maison partout » raconte Mariolito* le visage crispé.

Ce jeune bisexuel de 32 ans qui ne savait quoi faire face à une pareille situation n’a eu d’autres choix que celui de fuir. D’un simple regard de son frère, les deux frangins sursautèrent la barrière arrière  de leur maison puis après, le mur de clôture.

« On dirait que nous étions des cascadeurs » raconte Mariolito* qui se remémore cette scène de fuite qui a failli lui couter la vie. Nous avions voltigé et la barrière et le mur, durant la fuite mon frère a reçu une balle dans son fémur droit et moi une autre dans mon pied gauche.

Etant en état de choc, les deux frères blessés n’avaient pas prêté attention aux blessures secondaires que leur infligeaient les fers découpés de leurs maisons. Apres s’être rendu  dans plusieurs hôpitaux qui ne les ont pas accueillis, soit pour faute de matériels, de moyens ou de personnel. Atterris à l’hôpital sans frontière de Tabarre , les deux frères ont reçu la nouvelle qu’on  voulait leur éliminer parque l’un d’entre eux est homo et que leur demeure a été incendiée par la suite.

Cette situation est loin d’être unique. « James, connu sous le sobriquet de l’homme Gillete » a été tabassé à mort puis brulé au Bel-Air par le gang ‘’Krache dife’’ qui estimait qu’un aussi beau garçon ne saurait être un homosexuel. Et de plus disait l’un de chef de gangs « Le pays a suffisamment de femmes pourqu’au moins chaque homme puisse partager sa vie avec une. A  quoi bon baiser un semblable de même sexe ? » s’interrogeait-il.

Toujours dans ce ghetto, Carlito*, père de deux enfants, a été découvert être aussi attiré  par les garçons. Etant fils du quartier, un chef du gang lui a demandé de déguerpir sans dire mot pour ne pas connaitre le sort réservé à cette catégorie dans la zone.

« Une telle orientation est un affront à la gente masculine. Un homme doit mourir avec sa colonne vertébrale bien droite », a mentionné  le caïd d’un air répugnant.

Une communauté déchirée

Selon les témoignages recueillis,les LGBTQI+ sont toujours dans le collimateur des bandits à cause de leur orientation sexuelle et leur transidentite. Certains ont été contraints  d’abandonner leur demeure  pour échapper aux balles assassines, aux incendies et aux bastonnades des hors la loi. Cette communauté est plus que vulnérable face à l’insécurité.

 « On reçoit presque tous les jours des personnes de la communauté victime de l’insécurité du pays à  cause de leur orientation sexuelle  et leur transidentité  » raconte Hetera Estimphil, présidente de Kouraj avec une voix préoccupée. 

« Ces situations exigent un support inconditionnel pour la personne.  A Kouraj, ce qui nous importe, c’est la santé physique et mentale  de la personne. En tout premier lieu, nous nous  occupons des soins sanitaires.  Ensuite, on effectue des démarches juridiques avec des instances comme le BDHH  si la personne le souhaite.  Puis avec l’appui de certains partenaires, nous offrons un accompagnement Psychosocial à la victime. » Poursuit la femme transgenre.

Photo Illustrant des membres et amis de  »KOURAJ » qui célébrent le PRIDE MONTH ( le mois de la fierté) le 26 juin dernier

D’un autre cote, l’association des jeunes contre la discrimination et la stigmatisation (AJCDS) s’est transformée en un véritable camp d’accueil. Cette organisation ayant à sa tête, Jhonny Lafleur, représentant du secteur PVVIH  dans le Comité de Coordination Multisectoriel(CCM) offre de l’hébergement aux sans-abris.  « Durant ces derniers mois, près de cinquante personnes se sont réfugiés  sous les ailes de Johnny  Lafleur. Certains, atteints du  syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) ont pris la poudre d’escampette sans emporter leur ARV. C’était à Johnny de leur en procurer, des fois avec la plus grande discrétion afin de protéger leur statut sérologique. » Reconnait Loochard, un responsable de l’AJCDS.

« Étant à court de moyens,  Jhonny s’est déboursé tout en déployant des efforts afin d’obtenir  le support d’autres institutions pour répondre à leurs besoins. Les donner à manger et à boire au quotidien, payer les frais hospitaliers pour ceux qui ont des blessures. C’est  un peu difficile parce qu’on doit tenir compte des gouts et des préférences de chacun d’eux. Les LGBTQI +, voient en Johnny un messi, une personne qui peut les aider en tout. »  c.onfie M. Loochard.

Position de l’OPC

Face à tous ces actes odieux et barbares perpétrés contre la communauté des LGBTIQ+, plusieurs organisations œuvrant pour le respect des droits humains sont montées au créneau pour mettre les projecteurs sous la cruauté des bandits et l’intolérance de la population vis –à-vis de cette minorité.

L’office de protection citoyen (OPC), prône le respect des droits de la personne humaine.  Toutes les catégories sont inclueses. L’instance de défense des droits de la personne humaine condamne avec la plus grande véhémence ces forfaits.

« Face à cette insécurité qui bat son plein dans le pays, l’OPC a écrit plusieurs notes de presse pour dénoncer les différentes violences qui sont enregistrées au sein de la société ces dernières années et demander à la puissance publique de prendre ses responsabilités. Toutes les catégories sont victimes » a fait savoir Mimose Moyard, coordonnatrice de l’unité de la protection Sociale de l’OPC.

De l’avis de la coordonnatrice, étant à l’ère de la mondialisation, l’orientation sexuelle d’une personne ne devrait pas être considérée  un danger pour la société, elle peut disposer de son corps comme bon lui semble. «  Lorsque cette minorité est victime d’homophobie, elle vient toujours  vers l’OPC. En ces circonstances, notre travail consiste  à les accompagner. Vu  que nous ne pouvions pas les aider financièrement, on les oriente vers des institutions capables d’apporter des solutions appropriées à leurs problèmes. En dépit des différentes campagnes de formations, de sensibilisations et de vulgarisations, il faut élaborer  une loi spéciale  pour protéger les gens ayant une orientation sexuelle différente de la majorité. Stigmatisés et discriminés, les LGBTQI+ sont trop souvent victimes d’homophobie. » Conseille Madame Moyard.

Nombreuses sont les lois et les conventions internationales ratifiées par Haïti qui protègent les droits humains. Cependant, cette notion semble exister seulement en théorie dans le pays. Nous avons la déclaration universelle des droits de l’homme qui reconnait légalité des droits. En son art 1, elle dispose : « tous les hommes naissent libres et demeurent égaux en droits. ». Accompagnés d’autres règles de droit internes, l’arsenal juridique haïtien relatif aux droits humains est loin d’apporter une garantie pour le respect des droits  de cette catégorie. Pourtant,  la ligne sexuelle des LGBTQI+ constitue un obstacle à leur bien-être. Une tolérance doit être inculquée dès le bas-âge pour éviter tous conflits par rapport aux différences dans la société.

*Mariolito et Carlito (nom d’emprunt).

Esperancia Jean Noel