Finaliste de la quatrième édition du concours de plaidoirie sur les droits humains organisé par le Bureau des Droits Humains en Haïti (BDHH), le jeune avocat Jerry Syvrain, a été  kidnappé à Port-au-Prince dans l’après-midi du 17 février 2023. Libéré par le fruit du hasard, le jeune avocat dit mener depuis une vie agoraphobe.

Débatteur reconnu et vice-lauréat du concours de plaidoirie sur les droits humains organisé par le BDHH en 2019, Jerry Syvrain avait choisi, depuis, le droit comme arme de combat. Fervent croyant de la justice, le jeune trentenaire jure d’assister les veuves et les orphelins. « Défendre les plus pauvres, les prisonniers en détention préventive prolongée, les clients avec des petites bourses était mon devoir », lance le jeune d’un air naïf. Son rêve était de faire carrière dans le droit en Haïti. Jusqu’à ce que, dans le cadre de la reconstitution d’un dossier qu’il devrait présenter au palais de justice au mois de février, il se rendait compte que la justice des hommes armés est celle qui, en réalité, prédomine sur le territoire haïtien notamment à Port-au-Prince.

Vers deux heures de l’après-midi, raconte-t-il, le jeune natif de Léogane devrait se rendre près de l’hôpital Petit-Frère et Sœurs situé au Boulevard du 15 Octobre à Tabarre  pour rencontrer un client. Après avoir descendu de sa camionnette discrètement, il a enjambé quelques pas pour se rendre à l’adresse exacte quand soudainement une voiture de marque ‘’ Toyota-4 runner’’ de couleur noire s’arrêta avec des cagoulards surarmés qui lui ont ordonné de s’arrêter avant de l’exiger de monter dans leur voiture. Sans répliquer, le jeune juriste était déjà à la merci des bandits qui lui ont menotté et bandé les yeux pour lui emmener dans un entrepôt où  ils gardent leurs otages. 

Vivre le cauchemar du kidnapping

« J’ai passé deux jours entre les mains de mes ravisseurs, la plupart du temps, j’avais les mains ligotées et les yeux bandés. Le local puait, on dirait que des cadavres en putréfaction y ont été abandonnés. C’était l’enfer », témoigne l’ancien de la Faculté de Droit et Des Sciences Économiques.

Le jeune garçon qui croyait qu’il ne reverrait plus sa famille, dit avoir perdu tout espoir vu la pression psychologique que les bandits exerçaient sur lui.

« Je pensais qu’ils allaient me tuer, d’ailleurs, quelques-uns d’entre eux ne voulaient ni m’écouter ni négocier ma libération contre une rançon. Ils étaient résolu à m’exécuter » explique-t-il.

Par la suite, ajoute la victime, un des bandits lui a ordonné de contacter ses proches afin de les informer que la machine infernale du kidnapping vient de frapper à leur porte. « J’ai appelé ma femme et mon frère ainsi qu’un collègue du barreau de Port-au-Prince pour leur informer de mon enlèvement. Le choc de la nouvelle a été terrifiante et les pourparlers avaient commencé pour que je puisse obtenir ma libération », détaille Monsieur Syvrain sous fond de frustration.

Par chance, le chef du gang qui n’avait pas prévu de nouveau kidnapping dans son quota journalier est apparu dans son fief tout en demandant des comptes à ses subalternes sur l’effectif des enlèvements. Visiblement, le cartel avait déjà atteint le nombre de personnes qui selon le boss du clan doit être enlevé dans son périmètre et a décidé que le dernier otage en question soit libéré. Après quelques questions et quelques baffes, rapporte Monsieur Syvrain, il était libéré sans que la rançon exigée soit versée. « Mes yeux étaient encore bandés, ils m’ont mis dans une voiture et m’ont déposé quelque part sur la route de frère », affirme le membre de la basoche.

Et ses séquelles…

Les séquelles physiques des coups encaissés et les revers psychologiques de ce drame traumatisant n’est pas sans conséquences sur le quotidien du jeune avocat selon ce qu’il a fait savoir.

« Depuis ma libération, j’ai peur de sortir dans les rues et je me rends compte que nous sommes tous vulnérables face à ce fléau qu’est kidnapping en Haïti ».

De plus, ajoute-t-il, « les cauchemars sont répétitifs durant mes heures de sommeils. Je suis perturbé et du coup, j’ai l’impression d’avoir la phobie de tout lieu public  et des attroupements », confie le jeune avocat.

Ces derniers mois, dans la capitale haïtienne, le nombre de kidnappings a augmenté de manière exponentielle et les victimes ne sont plus seulement des personnalités publiques, mais aussi de simples citoyens, souvent des enfants et des femmes. Cette situation a plongé la population dans un cycle de peur et stresse terrifiant qui affecte la société dans son ensemble, quel que soit le statut social.